𝐅𝐚𝐤𝐞 𝐧𝐞𝐰𝐬 𝐞𝐭 𝐝𝐞𝐞𝐩𝐟𝐚𝐤𝐞𝐬 : 𝐜𝐨𝐦𝐩𝐫𝐞𝐧𝐝𝐫𝐞 𝐥𝐞 𝐫𝐢𝐬𝐪𝐮𝐞 𝐞𝐭 𝐬𝐞 𝐩𝐫𝐨𝐭𝐞́𝐠𝐞𝐫
La désinformation a pris une nouvelle ampleur à l’ère du numérique, et le Burkina Faso n’échappe pas à ce phénomène. Qu’il s’agisse de fake news (infox) circulant sur les réseaux sociaux ou de vidéos truquées ultra-réalistes (deepfakes), ces manipulations de l’information se propagent aujourd’hui à une vitesse inédite.
En 2018, une étude du Massachusetts Institute of Technology ( MIT) a montré que les fausses nouvelles en ligne voyagent six fois plus vite que les informations vérifiées.
Du point de vue de la cybersécurité, ces fake news jouent le rôle de véritables leviers dans des campagnes d’ingénierie sociale (appâts, gains faciles), exploitant la curiosité ou la confiance des victimes pour les pousser à des actions à risque.
Dans ce contexte, comprendre ces risques et savoir s’en prémunir est devenu indispensable pour les citoyens, les institutions et l’ensemble de la société.
Comprendre le risque
Les « fake news » désignent de fausses informations présentées comme des faits véridiques dans le but de tromper le public. Sur Internet, ces infox profitent d’un effet d’accélération technologique. Les réseaux sociaux, principal canal d’information pour beaucoup, offrent une caisse de résonance sans précédent aux rumeurs. Des bots (programmes automatisés) peuvent, par exemple, générer artificiellement des milliers de « likes » et de partages pour donner l’illusion qu’un message est massivement soutenu.
Parallèlement, les algorithmes de recommandation des plateformes (Facebook, YouTube, TikTok, etc.) mettent involontairement en avant les contenus les plus susceptibles de retenir l’attention – quitte à promouvoir des publications sensationnalistes ou mensongères qui génèrent davantage de clics et de réactions.
Plus un contenu est clivant ou extrême, ou suscite des commentaires et des partages indignés, plus l’algorithme le rend visible. Ce biais viral crée des bulles de filtre : un internaute qui clique sur une vidéo complotiste se verra proposer de plus en plus de contenus du même acabit, s’enfermant dans une vision biaisée de la réalité.
En plus des textes ou images trompeuses, la désinformation est entrée dans l’ère de l’IA avec les deepfakes. Le deepfake est une technique de manipulation numérique qui utilise l’intelligence artificielle pour créer ou modifier des images, des vidéos ou des sons de manière extrêmement réaliste, au point de faire croire qu’une personne a dit ou fait quelque chose qu’elle n’a jamais réellement dit ou fait. On peut par exemple créer de toutes pièces une séquence montrant un responsable public prononçant un discours qu’il n’a jamais tenu. Ces montages hyperréalistes peuvent berner l’œil et l’oreille du public non averti, et servir des objectifs variés : désinformer, déstabiliser, ou même arnaquer.
Comment cela nous touche ?
Au Burkina Faso, chacun peut en être victime ou acteur involontaire, que ce soit en lisant une fausse nouvelle, en la partageant sans le savoir, ou en subissant ses effets.
Voici comment les fake news et deepfakes peuvent affecter concrètement différents acteurs de la société burkinabè :
- Citoyens ordinaires : Les premières victimes sont bien sûr les citoyens, exposés quotidiennement aux rumeurs sur Facebook, WhatsApp ou d’autres réseaux. Une infox peut induire le public en erreur sur des sujets cruciaux (santé, sécurité, décisions du gouvernement) et pousser à des comportements dangereux ou irrationnels. Le citoyen peut être instrumentalisé par des mensonges numériques qui exploitent ses émotions pour orienter ses opinions ou ses actions. En cliquant sur un lien dans une fausse information, un utilisateur peut sans le savoir télécharger un virus ou donner accès à ses données personnelles.
- Petites et Moyennes Entreprises/Industries (PME/PMI): Les entreprises locales peuvent subir des pertes à cause de fausses informations sur leurs produits ou finances, ou être victimes d’arnaques par email, ou encore en utilisant des deepfakes imitant la voix ou l'identité de responsables.
- Administration publique : Les institutions de l’État et les administrations sont en première ligne face à la désinformation. Cela se manifeste entre autres par la diffusion de faux communiqués (fake news), attribués à un ministère; des messages haineux ou appels à la violence propagés en ligne qui peuvent troubler l’ordre public.
Par ailleurs, les services de l'Etat sont régulièrement confrontés à des attaques numériques (faux courriers, piratage et usurpation des pages officielles).
- Jeunes et étudiants : La jeunesse, très connectée, est particulièrement vulnérable aux fake news et deepfakes qui circulent sur les réseaux sociaux qu’elle affectionne. Les étudiants, sont souvent des cibles de choix pour les arnaques en ligne (faux messages de bourse d’étude, usurpation de comptes pour soutirer de l’argent aux proches, etc.). Certains jeunes, en quête d'emploi, sont généralement victimes de fausses annonces d'offres d'emplois alléchantes conduisant à des arnaques.
Enfin, d'autres acteurs comme les journalistes ou les activistes sont aussi concernés, montrant que la désinformation affecte l’ensemble de la société.
Comment se protéger ?
L'ANSSI recommande aux acteurs institutionnels et aux citoyens des mesures individuelles et collectives pour faire face au fléau des fake news et deepfakes.
Garder un esprit critique: Il est essentiel de prendre du recul dès que vous êtes confrontée à une information surprenante ou choquante. Plutôt que d’y croire immédiatement, rappelez-vous que vos émotions peuvent vous piéger, et adoptez une attitude de doute sain jusqu’à ce que vous ayez vérifié vous-même la véracité de l’information.
Vérifier la source de l'information: Avant de donner foi à une publication virale, interrogez-vous sur son émetteur. S’agit-il d’un média reconnu ou d’une page anonyme aux origines floues ? Inspectez la date de création du compte, le logo et la clarté de l’identification, et, si nécessaire, cherchez la publication originale pour éviter de vous fier à une simple capture d’écran hors contexte.
Recouper avec d’autres sources fiables: Aucun média n’est infaillible lorsqu’il est pris isolément. Lorsque vous tombez sur une information extraordinaire, vérifiez si d’autres organes de presse fiables la relatent également. Pour les images et les vidéos, utilisez des outils de recherche inversée comme Google Images ou TinEye afin de voir où et quand ces visuels sont déjà apparus en ligne. Ce croisement d’informations vous aidera à déceler d’éventuels détournements de contexte ou montages trompeurs.
Eviter les partages impulsifs: Chaque partage inconsidéré contribue à la propagation des fake news ; c’est pourquoi vous devez résister à l’envie de transférer immédiatement un contenu qui suscite une forte émotion. Prenez le temps de réflexion — quelques heures suffisent souvent pour que des démentis ou des vérifications émergent — et posez-vous les questions indispensables : cette information est-elle confirmée ailleurs ? N’est-elle pas trop belle ou trop horrible pour être vraie ?
Signaler les contenus douteux: Toutes les grandes plateformes (Facebook, Twitter, TikTok, WhatsApp…) offrent des fonctions de signalement pour indiquer qu’un contenu vous semble faux ou problématique. En utilisant ces outils, vous alertez les modérateurs qui pourront enquêter et, si nécessaire, retirer la publication trompeuse. Plus un grand nombre d’utilisateurs signalent la même infox, plus le processus de modération s’accélère. Au Burkina Faso, signalez aussi aux autorités compétentes telles que l'Agence Nationale de Sécurité des Systèmes de l'Information (ANSSI), la Commission de l'Informatique et des Libertés (CIL) et la Brigade Centrale de Lutte Contre la Cybercriminalité (BCLCC), la Brigade Nationale de Veille, d'Alerte et d'Assistance (BNVAA).
S’appuyer sur le fact-checking: De nombreuses organisations, comme Africa Check ou Fasocheck, se consacrent à la vérification des faits et des rumeurs. En cas de doute, consultez leurs sites ou leurs réseaux sociaux. Il est possible qu’ils aient déjà analysé la rumeur en question. Vous pouvez également vérifier les canaux officiels du gouvernement ou des médias locaux pour trouver des démentis ou des explications supplémentaires.
Détecter les signes de trucages audio-visuels : Pour déceler un deepfake, observez les indices visuels et sonores : clignements d’yeux irréguliers, expressions faciales figées, décalage entre les lèvres et la voix, voix monotone ou robotique, gestes saccadés, ombres incohérentes ou bords flous autour des cheveux et des mains. Si plusieurs de ces anomalies apparaissent simultanément, la probabilité que le contenu soit manipulé augmente significativement.
Former et sensibiliser son entourage: La lutte contre les fake news est aussi une affaire collective : partagez ces bonnes pratiques avec vos proches, à l’école ou en entreprise, et organisez des ateliers ou des sessions de sensibilisation pour développer ces réflexes autour de vous. Plus le public sera éduqué aux enjeux du numérique et des médias, moins la désinformation trouvera de terrain fertile pour se répandre.
Etre proactif et transparent : Pour les autorités, il est crucial de communiquer de manière proactive et transparente, notamment en diffusant rapidement des faits vérifiés pour couper l’herbe sous le pied des rumeurs, tout en adaptant le cadre légal pour sanctionner les fauteurs de trouble sans porter atteinte à la liberté d’expression (comme le prévoit déjà le Code pénal burkinabè).
Recouper les informations: Les médias et les journalistes doivent quant à eux renforcer leur rigueur éditoriale et consacrer des rubriques de fact-checking, en corrigeant rapidement leurs erreurs.
Renforcer la modération: Les plateformes numériques ont quant à elles la responsabilité d’améliorer la modération en utilisant à titre d'exemple l’intelligence artificielle. Elles doivent limiter la viralité des messages douteux ( exemple: restrictions sur WhatsApp). En outre, les responsables desdites plateformes doivent collaborer étroitement avec les gouvernements pour plus de transparence sur leurs algorithmes.
La bataille contre la désinformation à l’ère du numérique – peuplée de bots, d’algorithmes viraux et de deepfakes – représente un défi de taille pour le Burkina Faso. La dimension technologique donne aux adversaires de la vérité des moyens redoutables pour manipuler l’opinion, mais il ne tient qu’à nous de reprendre l’initiative. En conjuguant nos efforts individuels et collectifs, nous renforçons notre « immunité numérique » et créons un environnement numérique plus sûr et plus fiable.
Encadré : 7 réflexes pour se protéger des fake news et deepfakes
1. Garder son sang-froid : Une information choquante ? Restez critique et méfiez-vous de vos émotions.
2. Vérifier la source : Qui publie ? Est-ce un média reconnu ou un compte anonyme ?
3. Croiser les informations : Une seule source n’est jamais suffisante. Consultez d’autres médias fiables.
4. Analyser les images et vidéos : Des incohérences visuelles ou sonores ? Il peut s’agir d’un deepfake.
5. Éviter les partages impulsifs : Ne contribuez pas à la propagation. Réfléchissez avant de cliquer.
6. Signaler les contenus douteux : Sur les plateformes ou auprès des autorités (ANSSI, CIL, BCLCC…).
7. S’informer auprès de fact-checkers : Consultez Africa Check, Fasocheck ou les canaux officiels.
En unissant nos efforts, il est possible de réduire significativement l’impact de ces menaces sur notre cyberespace.
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